Couplage des cycles biogéochimiques (carbone, azote et phosphore) dans les agroécosystèmes de Madagascar
HDR Soutenue le 17 décembre 2018 à l'Université de l''ESSA à Madagascar
La compréhension des cycles de nutriments et de carbone dans les agroécosystèmes tropicaux est importante pour la production végétale dans le contexte actuel de changement global de notre climat. Concilier la sécurité alimentaire et la protection environnementale dans les pays tropicaux est primordial pour la science. Avoir un système qui permet à la fois d’optimiser la production tout en préservant l’environnement est le principal défi majeur de notre ère. Il est nécessaire d’intégrer la gestion de la fertilisation organo-minérale et des variétés adaptées dans les systèmes agricoles des pays tropicaux comme Madagascar afin d’optimiser la productivité.
Des travaux sur la rotation culturale en condition pluviale ont permis de montrer la potentialité de légumineuse tropicale, voandzou (Vigna subterranea (L.) Verdcourt), à mobiliser le phosphore dans le sol au profit du riz pluvial. Une série d’études physiologiques, biochimiques et isotopiques sur les mécanismes d’adaptation de voandzou en condition de déficience phosphatée ont mis en évidence la tolérance de certains cultivars à la déficience phosphatée marquée par une forte production de biomasse aérienne et nodulaire dans de condition N2-dépendante. Cette tolérance sous P-déficient a été expliquée par la respiration des racines nodulées avec une perméabilité nodulaire à la diffusion de l’O2 plus élevée et une forte augmentation de signal et activité phytasique, et une plus forte capacité de réapprovisionnement de la solution du sol en ion phosphate.
Par ailleurs, des études sur les interactions matières organiques (MO) et P minéral sur la disponibilité du P dans le sol ont montré le rôle de substitution de la MO par rapport à l’engrais phosphaté en riziculture inondée. Ceci est en contraste avec l’efficacité de la MO en riziculture pluviale où l’apport de MO a permis d’augmenter l’efficience d’utilisation de P des engrais phosphatés. Cette efficacité est expliquée surtout par la diminution des sites de fixations de P et l’amélioration de la capacité de rétention en eau en présence de la MO dans un sol fortement déficient en P.
La recherche de système résilient qui favorise à la fois la minéralisation de la MO et le stockage de carbone est également incontournable dans un contexte de variabilité et de changement climatique. L’étude de l’évolution de la MO dans les différents modes d’usage a montré une diminution de stockage de C dans le sol de surface dans le sens de la dégradation forestière, de la forêt naturelle vers le terrain dégradé. La recherche sur l’influence de l’augmentation de la température sur l’émission de CO2 et la disponibilité des nutriments dans le système de culture sur brûlis (SB) et l’agroforesterie a montré la résilience du système agroforestier caractérisé par la prédominance de MO labile comparée à la sensibilité du SB à MO récalcitrante.
Il est proposé en tant que perspectives de recherche, d’étudier les MO et leurs dynamiques au cours du temps en fonctions du mode d’usage des terres. On cherchera ainsi à comprendre et prédire l’équilibre ou le meilleur compromis entre le rôle joué par les MOS dans la gestion de la fertilité des sols notamment en ce qui concerne les cycles des nutriments disponibles pour les plantes, et le rôle de la MOS dans la séquestration du Carbone de l’atmosphère dans les sols permettant d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre en lien avec les pratiques agricoles ou forestières.