Contribution des racines aux stocks de carbone dans les profils de sol de deux systèmes agroforestiers contrastés : distribution, décomposition et impact sur la minéralisation du carbone et des nutriments
Thèse soutenue le 3 mai 2023 - Institut Agro Montpellier
Dans le contexte actuel d’urgence climatique, la séquestration du carbone (C) dans les sols des systèmes agricoles est encouragée pour maintenir leur fertilité et participer à la réduction de la concentration en gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Les racines pourraient contribuer à l’augmentation des stocks de C dans le sol du fait de leur temps de résidence dans le sol supérieur aux parties aériennes des plantes et de leur capacité à atteindre différents horizons de sol, y compris profonds (> 30 cm de profondeur). Cette thèse vise à identifier la contribution des racines d’espèces pérennes et annuelles aux stocks de C dans les sols jusqu’à 150 cm de profondeur, dans deux systèmes agroforestiers contrastés, en incluant l’hétérogénéité spatiale induite par ces écosystèmes. Dans le parc agroforestier Faidherbia-Flux en climat semi-aride (Niakhar, Sénégal), des arbres Faidherbia albida âgés d’environ 70 ans sont dispersés aléatoirement, et des rotations d’arachide et mil sont cultivées jusque sous les arbres. Le dispositif encore jeune DIAMS implanté en 2017 en climat méditerranéen (Mauguio, France) est en arrangement linéaire avec du Robinia pseudoacacia et complété d’une bande enherbée de 2 m de large. Les rotations culturales (blé dur, orge et pois) sont cultivées en bandes de 15 m de large entre les lignes d’arbres. Les deux sites présentent de faibles stocks de C dans le sol (24 tC ha-1 entre 0 et 150 cm de profondeur dans le parc sénégalais et 56 tC ha-1 entre 0 et 100 cm dans le dispositif français) et les arbres sont tous fixateurs d’azote.
Les résultats de cette thèse montrent une complémentarité des niches écologiques des systèmes racinaires. Dans les deux sites, les racines des espèces pérennes n’interfèrent pas ou peu avec le développement des racines des cultures annuelles. Les entrées de C dérivé des litières racinaires représentent 0.7% des stocks de C des sols entre 0 et 100 cm dans le site français et 1.5% entre 0 et 150 cm dans le parc au Sénégal. Parmi les entrées totales de C (3.0 tC ha-1an-1) dans le dispositif français, 12.6% viennent des litières racinaires. Les racines profondes y contribuent particulièrement puisque 50 à 75% de la biomasse racinaire se trouve sous 20 cm de profondeur. Parmi les entrées de C (0.5 tC ha-1an-1) dans le parc à F. albida, 67.3% viennent des litières racinaires, dont 37.7% sous 10 cm de profondeur. La décomposition racinaire a été observée in situ avec une méthode innovante (scanners enfouis à différentes profondeurs de sol). Nous montrons que la décomposition racinaire de l’orge débute tôt ; 50% du volume racinaire est déjà perdu au stade floraison. Puis la décomposition du cylindre central, plus récalcitrant, dure 16 mois. Nos observations en conditions contrôlées démontrent le rôle de la disponibilité en nutriments (N et P) sur les mécanismes de priming effect dans les horizons profonds. Lors d’entrées de quantités de C équivalentes aux entrées annuelles par les litières racinaires (70 mgC kgsoil-1), nous avons mesuré un priming effect en profondeur de 85 mgC kgsoil-1 en conditions non limitantes en N. Enfin, le bilan C du sol réalisé après 3-5 ans de différenciation des usages de sol estime des entrées de C plus importantes en système agroforestier qu’en culture pure (+0.85 tC ha-1 en considérant la totalité du profil enraciné, principalement grâce au turnover aérien des espèces pérennes) et des émissions de CO2 équivalentes entre les usages de sols (6.7 tC ha-1an-1). Vu l’implication des horizons profonds dans le stockage de C dans le sol des systèmes agroforestiers, leur intégration dans les travaux de modélisation de la dynamique de la matière organique des sols est nécessaire et doit prendre en compte leurs spécificités par rapport aux sols de surface ; cela permettra de préciser le potentiel de séquestration de C dans le sol des systèmes agroforestiers.
Mots clés Agroforesterie, horizons profonds de sol, méditerranéen, tropical semi-aride, cycles biochimiques, carbone dérivé des litières racinaires