Cardinael Rémi

Stockage de carbone et dynamique des matières organiques des sols en agroforesterie sous climat méditerranéen et tempéré

Thèse soutenue le 27 novembre 2015 à l'Ecole Doctorale ABIES

Le carbone organique des sols (COS) joue un rôle majeur dans le maintien des propriétés des sols, il constitue un important réservoir de carbone à l’échelle planétaire et est très sensible au mode de gestion des terres. L’agroforesterie caractérise un mode d’occupation des sols qui associe des arbres et des cultures et/ou des animaux au sein d’une même parcelle. On parle respectivement d’agrosylviculture et de sylvopastoralisme. Les systèmes agroforestiers pourraient jouer un rôle dans l’atténuation mais aussi dans l’adaptation au changement climatique. Cette thèse avait pour objectifs de (1) quantifier le stockage et les formes de COS dans les sols de parcelles agroforestières, (2) expliquer le stockage de COS observé et (3) proposer un modèle de dynamique du COS à l’échelle pluriannuelle.

Nous avons mesuré le stockage de COS dans cinq parcelles agrosylvicoles et dans une parcelle sylvopastorale en France. Nous avons eu recours à une approche synchronique, c’est-à-dire à une comparaison entre une parcelle agroforestière et une parcelle agricole adjacentes. Les stocks de COS ont été quantifiés de 20 cm à 2 m de profondeur selon les sols étudiés, avec une prise en compte de la distance aux arbres. Sur le site du domaine expérimental de Restinclières (INRA, plantation de 18 ans) que nous avons particulièrement étudié, un stockage additionnel de COS a été observé jusqu’à 1 m de profondeur. Les taux de stockage de COS ont été estimés à 0.25 ± 0.03 t C ha-1 an-1 sur 0-30 cm et à 0.35 ± 0.04 t C ha-1 an-1 sur 0-100 cm. Sur le réseau de parcelles étudiées, ce taux de stockage est de 0.24 ± 0.07 t C ha-1 an-1 sur 0-30 cm. Dans l’inter-rang, aucun effet de la distance à l’arbre sur les stocks de COS n’a été mis en évidence. Les lignes d’arbres, occupées par une végétation herbacée, représentent les plus forts stocks de carbone.
 
 Nous avons également cherché à expliquer les processus de stockage de COS en agroforesterie. Pour cela, nous avons quantifié toutes les entrées de matières organiques au sol. Les biomasses des racines fines ont été estimées à l’aide de fosses profondes, jusqu’à 4 m de profondeur. La mortalité des racines fines des arbres a été étudiée à l’aide de minirhizotrons installés à différentes profondeurs et distances des arbres. Nous avons estimé que le sol de la parcelle agroforestière recevait environ 40% de matière organique en plus que la parcelle agricole (3.80 t C ha-1 an-1 par rapport à 2.69 t C ha-1 an-1) sur une profondeur de 2 m. Les racines fines des arbres et les racines des cultures représentent chacun environ 30% des apports de MO en agroforesterie.
 
 Du fractionnement granulo-densimétrique de la matière organique a été utilisé pour identifier les formes du COS additionnel. La majorité du carbone additionnel est fait de matières organiques particulaires (MOP) de la taille des sables (50-200 µm et 200-2000 µm), et est majoritairement localisé dans les horizons de surface. Les potentiels de minéralisation du COS des deux parcelles ont été mesurés par des incubations de sols issus de différentes profondeurs et par des incubations de sols ayant subi différents niveaux de déstructuration.  Les taux de minéralisation du COS diminuent exponentiellement avec la profondeur du sol et de façon identique dans la parcelle agricole et dans l’inter-rang de l’agroforesterie. La destruction des macro-agrégats des sols incubés n’a pas entraîné de sur-minéralisation, indiquant que ces MOP ne sont pas protégées au sein de ces agrégats.
 
 Afin de mieux comprendre la dynamique du COS en agroforesterie, nous avons développé un modèle de dynamique du carbone en deux dimensions, discrétisé en fonction de la profondeur et prenant en compte la distance à l’arbre. Les sorties issues de la modélisation suggèrent que le stockage de carbone en agroforesterie est le résultat d’un apport accru de MO au sol plutôt que d’une diminution de la minéralisation du COS.
 
Cette étude démontre l’intérêt et le potentiel des systèmes agroforestiers pour augmenter les stocks de COS des sols agricoles. Elle pose cependant la question de la durabilité de ce stockage.

 

 

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